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par Bonsoirbonsoir » il y a 4 mois
Je suis toujours effaré par cette violence. Brûler des livres!
Mais qu'est-ce que ça peut leur foutre de qui baise qui et comment?
Qu'est-ce que ça leur enlève? Quel mal ça leur fait?
Faut-il être mal dans sa peau pour penser que tout le monde doit être comme soi.
J'ai eu l'occasion de traverser des angoisses existentielles, mais je n'ai jamais découvert en moi cette voie qui aurait voulu que tout le monde soit aussi mal que moi.
Je peux m'imaginer que ces pauvres gens estiment qu'ils sont menacés dans ce qu'ils sont, et que cet aveux de faiblesse face tout de même à très peu de personnes (plutôt peu intéressées par eux) doit être frustrant, mais de la à vainement brûler des livres, reproduire des gestes symboliques d'une époque de crises et de guerre, où au final ceux qui y ont cru ce sont retrouvés a subir une honte plus longue et plus puissante que l'ivresse hallucinée d'une demi génération. Ça m'échappe.
Un jour j'animais un stage artistique avec des enfants, on avait fabriqué des poupées avec toutes sortes de matériaux qui étaient des auto-portraits. C'était chouette et incroyablement ingénieux. Mais on s'était fait taper sur les doigts parce qu'une petite fille (qui s'était représentée en princesse) en rentrant chez elle avait provoqué la colère de son père parce que sa religion ne voulait aucune effigie (en effet seul dieu est un démiurge). On tombait de haut. Je promets qu'on avait pas d'intention de sacrilège, juste inventer une chouette image de soi avec plein de petit trucs. Une sorte de fierté de base ( rien à voir avec les LGBT…). Et bien la poupée a été détruite. La princesse a été démantibulée.
J'ai pensé à la petite fille. Ce qu'elle a du ressentir quand son père a démonté la poupée qui la représentait. Pas sur que ça l'ait confortée dans l'idée qu'elle avait , inconsciemment, fait quelque chose de pas bien. Pas sur qu'elle ne se rappelle pas plus du plaisir qu'elle a du ressentir à être une princesse ( par projection) plutôt que du malaise qu'elle a provoqué avec ses innocents désirs de gloire et même sans doute de l'être aux yeux de son père… qui casse tout.
Puis j'ai pensé au père, je me suis dit qu'un gars , sans doute de mon âge, qui détruit ce que ses enfants fabriquent, il n'a aucun espoir.
Dans ce stage il n'y avait rien de LGBT, mais je ne peux pas m’empêcher d’imaginer ce qui se passerait ou se passera si cette petite princesse en grandissant devait douter de ce qu'on lui met dans le crâne…quel boulot, quel chemin escarpé…
Et puis j'ai pensé à moi et je me suis dit, si ce gars avait l'idée de ce que j'ai vécu, ce dont je me suis détaché, ce que je pense, il n'aurait pas pu imaginer que ça ne regarde que moi. Il aurait sûrement cru que ses certitudes valaient aussi pour moi et l'ensemble du monde comme il croit qu'elles valent pour sa famille. Il aurait sans doute voulu me démantibuler comme la princesse de sa fille. Pourtant pour ces enfants, ce que je suis, et surtout comment je vis n'entre pas en ligne de compte. On associait des petits bouts de trucs pour s'imaginer ce qu'on pourrait être.
Il y avait autant de footballeurs stars que de princesses si je me souviens bien. Je n'ai pas même pensé à le relever. À aucun moment je n'ai suggéré à un joueur de foot qu'il pourrait avoir un joli voile irisé sur son chapeau, ou à une princesse qu'elle aurait pu avoir des escarpins à crampons ( ce qui est pourtant utile dans les prairies).
Cette immense vide, ces valeurs défaitistes et rétrécissantes; quelle faillite, quelle tristesse.