Pour un service public du sexe

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Ascagne
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Pour un service public du sexe

Message par Ascagne » il y a 4 mois

Pas tout neuf puisque c'est un article de 2012, mais j'étais passé à côté de cette audacieuse proposition de Marcela Iakub dans LIbération :
Pour un service public du sexe
par Marcela Iacub
publié le 28 septembre 2012 à 21h36


La proposition de pénaliser les clients des prostituées laisse en suspens une question capitale que l’on peine à évoquer. Que faire de la demande de sexe vénal, que faire des désirs insatisfaits ? En bref, la société ne doit-elle pas à ses membres non seulement une vie digne, un emploi, une santé, la possibilité d’exprimer leurs idées et de profiter des biens culturels mais aussi de satisfaire leurs désirs sexuels ? Pourquoi, en substance, les misères économique, politique et culturelle sont-elles tenues comme des maux appelant d’une manière légitime à y trouver des remèdes mais pas la misère sexuelle ?

On dira que cette question a été l'objet de longues et fructueuses méditations pendant les années 60 et 70. Que c'est sous leur bannière que les réformes capitales en matière de mœurs ont été réalisées. Qu'en définitive, la misère sexuelle issue du mariage bourgeois du XIXe siècle est bel et bien terminée. C'est pourquoi celle qui apparaît depuis et qui s'exprime entre autre par la demande prostitutionnelle ne saurait être l'objet d'aucune considération. Plus encore. Elle doit être bannie au même titre que d'autres comportements violents en matière sexuelle. En bref, il n'y a rien que l'on puisse qualifier de misère sexuelle, mais des désirs déviants et pervers, des idéologies humiliantes pour les femmes qu'il faut redresser.

Cette idée est très proche des discours ultralibéraux qui considèrent qu’il n’y a pas une injustice que l’on puisse qualifier de misère économique, mais plutôt des gens paresseux et sans aucune initiative qui attendent de vivre aux crochets de ceux qui travaillent, suent, et gagnent honnêtement leur pain. Si l’on donne à ces gens l’aide et l’assistance, on en fera de piètres exemples. Au lieu de se réveiller tôt, de travailler plus et mieux, les pauvres attendront que la collectivité pallie leurs besoins. Et quel travail les hommes doivent-ils faire au lieu d’acheter du sexe ? Il faut qu’ils trouvent des partenaires qui s’adonnent avec eux à de tels plaisirs pour satisfaire des désirs réciproques avec tous les risques que cela comporte, dont le premier est celui de ne trouver aucun candidat. Et si jamais on surmonte ce premier obstacle, on doit être prêt à faire face à des plaintes pénales pour violences sexuelles, à des paternités forcées ou à des créations de familles - sans compter les horribles dangers des passions amoureuses. Comme si le sexe était un appât pour faire entrer les hommes dans un ordre familial où les femmes ont le contrôle principal. Comme si l’interdiction de l’achat des services sexuels était un coup de force des femmes contre les hommes considérés les uns et les autres non pas comme un ensemble d’individus, mais en tant que genre.

C’est pourquoi celles qui se prostituent doivent payer les frais de ces rapports de pouvoir que l’on cherche à imposer au bénéfice de toutes les femmes. Or, les chemins de la félicité ne seront jamais atteints de cette manière rude et injuste. L’amour, la paternité, les familles ne devraient pas être le résultat des besoins sexuels insatisfaits car, ce faisant, on les transforme en une monnaie d’échange, en une vile monnaie comme disait Charles Fourier. C’est pourquoi cet auteur avait proposé quasiment d’inverser cet ordre des choses, et de faire en sorte que dans une société qui prend l’amour vraiment au sérieux aucun désir sexuel ne reste insatisfait. Certes, ce n’est pas via la prostitution qu’il croyait qu’un tel état de choses devait être atteint mais gratuitement, grâce à une solidarité sexuelle socialement organisée.

Sans avoir à copier à la lettre les recettes de Fourier, l’actuel gouvernement pourrait néanmoins s’inspirer de ces idées si socialistes, si généreuses. Il pourrait interdire la prostitution, mais pallier la demande à laquelle elle répond par la création d’un service sexuel gratuit et public comme le don du sang et du sperme. Tout un chacun devrait pouvoir offrir ses services de temps en temps tout en sachant qu’un jour chacun pourrait aussi y faire appel. Et l’on ne dirait pas que ces donneurs se vendent, qu’ils échangent leurs faveurs contre de l’argent ou qu’ils ne consentent pas à de tels rapports. Au contraire, cette sexualité serait mue par la bonté et la générosité, motivations encore plus dignes que la réciprocité du désir lui-même. Les candidats et candidates à un tel don de soi ne manqueraient guère, même s’ils ne ressemblaient pas du tout aux personnes qui se prostituent aujourd’hui.

Si l’actuel gouvernement accusé de tiédeur et de lenteur avait le courage de prendre une telle décision politique, il pourrait donner un exemple au monde et se faire enfin aimer par ses électeurs. Car cette réforme pourrait être un outil précieux pour renouer le lien social dans un pays de plus en plus individualiste où chacun pense que le salut ne dépend que de soi-même. Dans ces temps sombres de crise économique, la mise en place de ce service public sexuel (SPS) pourrait, tel un antidépresseur, aider la société française à trouver de nouvelles solutions aussi originales que celle-ci pour faire face à toutes les autres formes de la misère.
Mon beau-frère Silvius tient le Biplan, un blog sur la bisexualité (actualités, militantisme, réflexions de fond). Passez donc voir, si le coeur vous en dit :
https://lebiplan.wordpress.com/

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Bixy
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Re: Pour un service public du sexe

Message par Bixy » il y a 4 mois

Audacieux, en effet, même un peu utopique à mon avis. Je trouve cette idée pourtant très intéressante, et je pense que je serais de ceux qui pourraient prendre part à ce type d'échange. Mais notre société est bien loin d'aller dans ce sens là, très clairement la libération des meurs recule, les tabous reviennent, l'ouverture d'esprit est en baisse...
Bixy

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Re: Pour un service public du sexe

Message par Auxesib » il y a 4 mois

J'ai déjà lu cet article il y a plusieurs années étant intéressé par les sujets concernant le travail du sexe.

Ces thématiques m'intéressent pour de nombreuses raisons dont des raisons en lien avec mes idéaux politiques et ma vision ultra-libéral de la sexualité au sens moral. Ultra-libéral comparé à la vision qu'en a la majorité de la population.

Je serais ravi de prendre part à ce type d'échange en tant que fournisseur ainsi qu'en tant que receveur.


Bixy dit dans son message au-dessus du mien que la libération des mœurs recule , que les tabous reviennent et que l'ouverture d'esprit est en baisse. Je suis d'accord avec lui.

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