Alors que j'avais 26 ans et travaillais dans le sud de la France dans une équipe technique venant de Paris, je pus constater que deux techniciens hétéros vivaient dans la même chambre et se vantaient de pratiquer l'homosexualité. Je me dis alors : "pourquoi pas moi ?".
Mais je n'eus pas le temps de chercher un partenaire car, un jour notre chef d'équipe, au fil d'une conversation, me dit: "Quand vous aurez des enfants...", j'entendis cela comme : "Il serait temps que vous vous mariiez car sinon, l'homosexualité va se répandre dans mon équipe".
Cette interpellation me fit prendre conscience qu'"avoir des enfants (ça ne pouvait être que des fils)" était un moyen, pour moi de sublimer mon homosexualité naissante. Je dis bien "sublimer"; il n'y avait aucun fantasme de pédophilie incestueuse dans cette prise de conscience. Je proposais alors de l'épouser, à une jeune fille que j'aimais beaucoup et qui désirait ardemment se marier, ce qui, jusqu'alors m'avait plutôt bloqué car je ne voulais pas répéter l'erreur de mes parents qui s'étaient mariés sans être sûrs qu'ils s'aimaient et se séparèrent après un an de vie commune.
J'épousais donc cette jeune fille sans être sûr qu'elle m'aimait.
Alors que j'avais 37 ans, je fis une dépression nerveuse, entrais en psychanalyse et pris alors clairement conscience de mon désir d'hommes. Je franchis le pas alors que je venais d'avoir 40 ans.
Un an plus tard, craignant que mon homosexualité ne soit révélée à ma compagne par une tierce personne qui l'avait découverte, je la révélais moi-même à ma compagne. Elle me dit tout de suite : "Tu me dégoûtes". Puis, quinze jours plus tard, accepta à nouveau mes avances, en me disant : Je t'AIME trop". il avait ainsi fallu que j'avoue mon homosexualité à ma compagne pour qu'elle me dise ENFIN qu'elle m'aimait !
J'eus plusieurs amants : le premier alors que j'avais 42 ans, le deuxième alors que j'en avais 59 et le troisième alors que j'en avais 72. Je présentai à chaque fois mes amants à ma femme comme des amis et elle devint leur amie sans être dupe de nos relations. Elle m'aimait vraiment.
A chaque fois, mon amant était plus jeune : le premier avait 8 ans de moins que moi, le deuxième 10 ans, et le troisième, mon amant actuel, a 29 ans de moins que moi !
Mon amant actuel n'a que quatre mois de plus que mon fils aîné; je fais ainsi l'amour avec un homme qui pourrait être mon fils. J'ai réalisé ainsi, à 72 ans, le fantasme bien vite sublimé que j'avais eu à 26.
Or cet homme m'aime. Il m'aime d'un amour généreux qui m'émeut beaucoup et il m'a dit qu'il m'aimait.
J'ai ainsi à présent deux piliers dans ma vie, moi qui aurait tant voulu m'appuyer sur un père et une mère qui s'aiment: ma compagne et cet amant-fils.